FRENCH Amor mi mosse che mi fa parlare . . . -Dante Et je devins poète en étant amoureux . . .
-Corneille
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Mater Dolorosa
I Je songe aux belles nuits, aux
rêves diaphanes Où j'ai vécu jadis; je vois
encore leg traits Fugitifs d'un pays aux horizon
discrets, Les regrets d'une gloire ultime
qui se fane! Loin des noirs tourbillons de ce
monde profane, Mon âme reposait aux calmes
diaprés Des azurs infinis, et tranquille, s'ouvrait Aux baisers innocents qu'en d'autres cieux
on gla,ne! Le voile tenebreux, hélas! monte toujours Des gouffres inconnus et devore nos jours; Et plus l'éclair solicit, mieux sa foudre
devaste! O reste d'une cendre au milieu de nos feux Les plus ardents; leg gourds ramages des
aveux Secrets mal endormis dans la chaire la plus
chaste! II Rose, couleur d'aurore, O reveil du matin! C'est Ie calme des cieux qu'encore tu
distilles; Rose éclose à demi, fillette au sang
tranquille! C'est la paix qui me vient de ton regard
divino Tout l'arome secret que tu cèIes encore Dans ton sein, je pourrais en goûter au
besoin Les délices – mais reste, aujourd'hui, reste
au loin! Rêve de demi-jour! Ideal que j'adore!
Page
– 115 Reste pour moi l'étoile au fond
de l'infini, La voile des lointains horizons –
salvatrice, Et que tout monde et tout désir
s'évanouisse En un pur transparent de l'Audelà
béni! Aujourd'hui je me plais . . . au mirage
peut-être Qu'étale un crépuscule, et j'attends des
serments Plus ardents, qu'au grand jour du
désenchantement Je te ferai demain, rose d'un amour traitre! Je saurai te baigner d'un intime
océan Tout de sève empourpré,
t'échauffer à la flamme De roes desirs montants, corp
mortel oû se pâme Et meurt un ange, ô chair qui
fleurit Ie néant! III
La clarte de la lune est tendre
et toute molle: Elle dort sur leg monts, elle
dart sur les mers, Elle souffle à l'étoile un deux
trouble de chair. . . O leg fines langueurs d'une âme
frêle et folle! La lueur du soleil dissipe Ie
beau rêve; Mais un autre s'éveille au sein
du jour brulant De gloire vehemente et d'empire
sanglant… Vanité d'un moment, bruit du flat
sur la grève! Ni Lune ni Soleil brillent dans
mon âme; Toute une autre Lumière a su
ravir roes cieux… Puissante est la douceur, aussi
douce la flame Que me verse un lointain regard
mysterieux! IV
Quand je vois de sa tige alanguie
une feuille Qui tombe frissonant aux caprices
du vent, Quand je vois la paupière humide
d'un enfant Qui n'a plus son jouet – je gens
que la s'effeuille Tout un rêve blemi, que c'est la
Vanité Qu'y pleure assise au bard de nos mortalités!
Page
– 116 Et cependant j'ai vu leg debris qu'amoncelle L'ouragan en furie et toute une
grandeur Me semblait une fois d'espace
supérieur S'élancer et plonger dans leg
fangs charnelles – Mais ces vastes douleurs, ces grandioses
marts M'embrasaient je ne V On a déjà fini de se plaindre, insensé! On a déjà fini! Viens donc, quitte la scène.
. . On a séché ses pleurs, on a déjà pansé Les blessures – pourquoi chérir encore la
peine? On a bien survécu des rêves enfantines, Le oeeur ne s'émeut plus de petites
faiblesses; On est calme, on est sage. . . un rire
clandestine Accueillit l'assaut de ces viles tristesses! La rose d'un matin, Ie parfum d'un
printemps, Et l'amour qui capture un cerveau juvenile –
Qu' est-ce donc qui demeure ici? Mais tu'
prétends Que ta démence à toi sera seule immobile! En ces flots de la vie où rien
s'attache à rien, Combien de fois veux-tu qu'on se
plaise aux folies? On s'en éprend, et puis, on
s'échappe, on oublie . . . Un rideau clôt toujours nos
horizons anciens! VI Creur d'enfant où ne sont ni
l'amour ni la haine – Bourgeonnette incolore, ah! dors
tant qu'il fait unit. Dors à ton aise, et loin du
maude, de ses bruits Rêve au calme, au silence, aux
choses lointaines! Lent épanouissement au rayon
matinal, O rongeur puérile aux paupieres
timides! Garde ton innocence encore,
demens Ie vide Avide qui refine en ton coeur
virginal! Page – 117 O Femme, sang et feu de midi qui flamboie. .
. . O son et griserie – et déboire cruel! Ainsi tu l'as gouté, Ie mystère – est-ce
joie Et delice, dis-moi, n' est-ce enfin lie et
fiel? Calme coucher au soir, ô sagesse murie! Je n'irai pas quérir Ie mot qui t'injurie. .
. . Seul, mon coeur en dévot une larme voudrait A ton pied deposer, tabernacle sacré. VII Pays de vir eclat et d'ombre plus profonde, O chaleur d' Arabie où s'exhalent l'encens Et l'arome! Elles ant incendié roes gens, Tes fiIles aux yeux noirs, volcans des feux
immondes! Horizon calme et frais au pays du levant, Tes beautés ont la ligne aussi chaste et
legère; Mon amour les convoite et pourtant n'ose
guère De peur de blasphemer ces regards purs
d’enfant! FiIles de Nord, enfants du brouillard et du
vague – L’azur chassé du Dans vas yeux – ah! ces yeux qui portent un
deluge Des rêves somnolents où man amour divague! VIII En ce mois de brouillard et
d'ombre, L'âme sombre Ne songe qu'a l'obscurité; En ce mois de vent et de grêle, Tout
se gele – Amour, esperance et
gaieté! En cette menace sans borne D'un
ciel morne, Couve Ie sinistre avenir; Page – 118
En cette
amère odeur qu' étale La
pétale, Fuit
l'encens d'un dernier soupir! En ce
tumulte de I'orage Qui
s'enrage, L'esprit ne
gait se recueillir; En cette
froideur qui s'entasse, Toute
lasse Mon âme se
sent defaillir! En ce mois
de rêves funèbres, Aux
tenebres, Arracher une
illusion¹ Du jour, de
I'amour – des caresses² Qu'eIle
adresse, Même une
folIe illusion!³ IX It pteut . . . It pteut II pleut. . . . il pleut. . . . il pleut
sans fin des pleurs amères II pleut du sang au fond de man âme fendue: La grâce sans merci du Haut est descendue .
. . Et dans son infini, je me perds! je me
perds! Petits plaisirs cheris! O leg gentils
mouillages De mes jours envolés, il me rant vans
quitter, Aller au large enfin chercher leg âpretes Des embruns vagabonds sur les mers sans
vivages! Bonheur de vie en grand! j'en ai besoin
toujours Mais un dernier regard, Amour en agonie! Un seul baiser d'adieux aux lèvres que je
nie, Et je pars à jamais et vcrs toi seul
j'accours! ¹ vision. ² des faux
follets – une caresse. ³ la plus
trompeuse.
Page
– 119 II pleut. . . . il pleut. . . .
Ie monde entier n'est que des larmes O leg dieux si jaloux des aises
qui nous charment! X Que ferai-je de ton âme, et que ferai-je de
ton coeur? O l'avare cruel! Je ne cherche¹ point que tu m'aimes D'un amour éternel, d'une foi sans branle.² Enfant de terre et de mortalité, Je ne suis épris que des choses qui
périssent – Toujours c'est un rien qui me passionne C'est une étincelle jetée par hasard, qui
dans mes veines Embrase leg grands fleuves rouges! O chair qui tressaille à l'arome de la chair O lèvres qui s'enflamment aux vapeurs des
lèvres voisines, Je ne connais pas d'autres chaleurs, et
d'autres sèves De la vie. La folie d'un moment, dont aussitôt on se
gurèit – Voilà tout ce que je désire! On prodigue tant de choses et n' en perd
rien cependant, Mais toi, si digne de parcimonie, ô mon
amour vierge ! ¹ demande. ² toujours vide.
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