Translations I Ma soeur, qui donc a prononcé Ie Nom fatal? Ce Nom, dès que je l'ai entendu, a pénétré jusqu'au fond de mon coeur; II a remué mes entrailles dans des joies turbulentes. Que de délices sont enclosés dans ce Nom! Mes lèvres ne parviennent pas à l'abandonner. Je Ie répète comme une prière; je Ie répète jusqu'à ce que, là, je tombe de fatigue. Dites-moi, soeurette, comment pourrai-je Ie trouver? . . . Ah, si son nom seul a tant de puissance, que ne ferrait alors Ie toucher de son corps? Et comment donc gardent-elles leur virginité, les jeunes filles du pays qu'il habite, Elles qui Ie voient de leurs propres yeux? Je veux l'oublier et je ne peux pas; Que faut-il faire? Qu'adviendra-t-il? "Les femmes chastes," dit Ie poète, "perdent volontiers leur chasteté, elles mettent en vent leur belle jeunesse."! L' amour de Radha.. un poème bengal du XV siècle II Je suis femme, mon coeur est
l'innocence; je ne connais ni Ie bien ni Ie mal. Ma soeur assise toute seule
dessine sur une toile; elle vient et me la montre
Page – 307 Dieu! Dieu! Qu'ai-je donc? . . .
On m'a jetée d'un coup au sein d'une mer enflammée! II est. dans la.fleur de l'age;
il est beau, beau à ravir! Qu'il est raffraichissant Ie
regard de ses yeux, de ces puits qui
contiennent l'essence même de la joie. Celui-là n'est pas de mes
connaissances; il n'est pas un proche. . . . Et pourtant je me fierais
aveuglément à ses paroles. Dès que je l'ai regardé, il s'est
glissé dans man coeur, ce coeur qui se fend maintenant! Je voudrais m'en délier, mais man
âme n'est autre chose que Lui – Dites-moi donc ce que je
dois faire. "C'est que," répond Ie
poète, "tu es capturée par l' Amour naissant, ô ma pauvre
princesse." [ le même ] III Voici,
ma mère, Ie jour s'efface de la nappe du ciel; leg jeux ne me plaisent point aujourd'hui. L'heure
avait sonné la sortie et c'était déjà tard; tout d'un coup je me souviens de toi et je quitte
leg jeux. Aujourd'hui c'est man congé, man
congé de cher Samedi; laisse donc tes travaux, ma mère,
que je puisse me reposer dans tes bras. Viens, assied-toi, devant maintenant où se trouve les
vastes landes enchantées. Regarde,
ma mère, la pluie arrive vêtue de sombres nuées; et l'éclair léger qui serpente fend Ie ciel. Lorsque
Ie dieu gronde, j'aime en avoir peur et trembler, que je puisse t'étreindre à mon coeur. Lorsque la pluie tombe à verse
sur les arbres et les buissons, j'aime m'asseoir au coin de ma chambrette,
j'aime écouter tes contes. Regarde,
ma mère, l'averse entre par la fenêtre; dis-moi maintenant où se trouvent leg vastes landes
enchantées. Au bard de quel
océan, ma mère, au revers de quelle
Page – 308 montagne, au pays de quel roi, ma
mère, au rivage de queue rivière. Où se fait-il qu'il n'y a pas de
borne qui marque la droite et la gauche? Où se fait-il qu'il n'y a pas de
sentier qui conduise Ie voyageur à un village quelconque? Est-ce un désert sans bornes où
meurent à toute heure des herbes desséchées? N'y a-t-il qn'un seul arbre
défeuille où demeure un couple d'oiseaux monstres? Le bûcheron, ne passe-t-il point
par là avec son faisceau de bois? Oh! dis-moi où se trouvent les vastes landes
enchantées? Quels
sombres nuages ont couvert la voûte entière! Et Ie Prince traverse Ie champ,
seul sur son cheval. Le
collier de perle se balance à son cou; comment donc a-t-il su où demeure la
Princesse lointaine? Lorsque
Ie ullage s'illumine de l'eclair à un coin du ciel ne se souvient-il pas de sa
mère – la reine en disgrace? La pauvre mère s'occupe
maintenant à nettoyer la vacherie; mais à travers quel champ voyage-t-il le
Prince? Regarde,
ma mère, pas un seul qui passe par leg chemins du village; aujourd'hui les
pâtres sont déjà rentrés du pâturage. Regarde, la unit vient aujourd'hui
avant que Ie jour s'en rut aIlé; les ouvriers ont etendu leur nattes sur la
véranda et s'y sout assis. Ce soir, ma mère, j'ai caché tous
mes livres; ne me demande done pas d'apprendre. Quand je serai aussi grand que
mon père, alors je prendrai ma première leçon; aujourd'hui raconte-moi, ma
mère, où se trouvent les vastes landes enchantées. Un poème de Rabindranath Tagore
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